
Prêt en devise : calculer vos frais de change et maîtriser le risque
Publié le 19 juin 2025
Chaque année, des milliers d’emprunteurs (frontaliers suisses, expatriés ou entreprises) optent pour un prêt en devises afin de financer un projet immobilier ou assurer les besoins d'une entreprise. L’offre semble avantageuse : taux d’intérêt souvent plus bas, accès direct au franc suisse (CHF) ou à d’autres monnaies fortes, souplesse dans le change. Pourtant, l’expérience de 2015, lorsque la BNS a abandonné le taux plancher EUR/CHF, rappelle que la moindre fluctuation peut alourdir la dette de plusieurs dizaines de milliers d’euros et transformer certains prêts en crédits « toxiques ».
Dans ce guide, vous découvrirez comment fonctionne un prêt en devise, comment les frais de change naissent (spread, commissions) et se calculent, quelles clauses du contrat et garanties d’assurance méritent votre vigilance, sans oublier les obligations d’information incombant à la banque. Vous saurez ainsi mieux évaluer votre exposition au risque de change, négocier des conditions plus sûres ou exercer vos recours si nécessaire, en bref, garder la maîtrise de vos francs comme de vos euros !
Prêt en devise : définition et fonctionnement
Types de prêts en devises
Un prêt en devise (ou foreign currency loan) est un crédit contracté en monnaie étrangère, le plus souvent en franc suisse (CHF) pour les frontaliers ou en dollars/euros pour les entreprises exportatrices. On distingue :
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Prêt immobilier en devise : utilisé pour financer l’achat d’un bien, il permet de profiter de taux d’intérêt parfois plus bas qu’en euros.
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Prêt corporate : destiné aux sociétés réglant fournisseurs ou salaires à l’international ; il limite les conversions répétées.
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Découvert ou ligne de trésorerie multidevise : souple, mais souvent lié à un taux variable indexé sur le marché monétaire (SOFR, SARON, etc.).
Dans tous les cas, l’emprunteur s’endette en devises mais rembourse, totalement ou partiellement, avec des revenus en euros : c’est là que le risque de change intervient.
Avantages et inconvénients d’emprunter en devise
Avantages :
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Taux d’intérêt attractifs : historiquement, le CHF et d’autres monnaies fortes affichent des taux nominaux plus bas que l’euro.
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Couverture naturelle pour les entreprises qui perçoivent des recettes dans la même devise ; elles évitent de payer des frais de conversion à chaque échéance.
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Diversification : un ménage possédant déjà un crédit classique en euros peut équilibrer son exposition financière.
Inconvénients (et risques) :
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Volatilité du taux de change : une appréciation du franc suisse fait grimper le capital restant dû exprimé en euros. En janvier 2015, le jour où la BNS a laissé le CHF s’envoler de 30 %, certaines mensualités ont bondi de 200 €.
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Frais de change cachés : outre le spread, la banque peut appliquer des commissions fixes à chaque conversion. Ils grignotent l’avantage du taux bas.
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Clauses contractuelles complexes : indexation, marges bancaires variables, obligation de nantir un produit d’assurance ou un compte-titres en garantie ; une lecture attentive du contrat est indispensable.
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Prescription et contentieux : en France comme en Suisse, les délais pour contester un prêt en devises varient (de 2 à 10 ans selon la nature de la faute bancaire). Ne pas réagir à temps peut fermer la porte aux recours.
Mécanisme pratique
Au déblocage, la banque crédite le montant en CHF sur votre compte puis le convertit immédiatement en euros si vous achetez un bien immobilier en France. Vous remboursez ensuite chaque échéance en euros ; l’établissement rachète du CHF pour solder l’échéance en devise. Si le taux de change EUR/CHF se dégrade, il faut davantage d’euros pour acheter la même quantité de francs : le coût réel du prêt augmente.
En conclusion : un prêt en devise peut offrir un faible taux et une flexibilité bienvenue, mais il transfère sur l’emprunteur le risque de change. Comprendre la mécanique, les frais et les clauses du contrat est la première étape pour emprunter, ou renégocier, en toute connaissance de cause.
Comment se forment les frais de change ?
Taux de change, spread bancaire et commissions
Lorsque l’emprunteur rembourse son prêt en devise, la banque réalise deux opérations : elle vend vos euros et achète les francs suisses (CHF) nécessaires pour solder l’échéance.
-
Taux interbancaire : aussi appelé « mid-market », il reflète la valeur réelle EUR/CHF sur le marché. Ce cours n’est généralement pas accessible au particulier.
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Spread bancaire : la banque ajoute sa marge : un écart de 0,8 % à 2 % entre le taux interbancaire et le taux appliqué sur votre contrat. C’est la principale source de frais invisibles.
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Commissions fixes : certaines enseignes facturent un forfait (5 € à 25 €) à chaque conversion ; d’autres intègrent cette charge dans un taux de change moins favorable.
-
Frais de couverture : pour se protéger du risque de change, la banque peut souscrire un produit dérivé (swap, option) et répercuter le coût dans le spread ou au travers d’une prime d’assurance.
Bon à savoir : si votre échéance est de CHF 1 500.-, la différence entre le taux interbancaire et le taux « client » détermine le véritable coût de change, bien plus que la commission affichée sur le relevé.
Exemple de calcul CHF/EUR pas à pas
Étape | Données | Calcul | Impact pour l’emprunteur |
---|---|---|---|
1. Montant de l’échéance |
CHF 1 500 |
— |
Base de conversion |
2. Taux interbancaire (EUR/CHF) |
0,95 |
1 500 × 0,95 = 1 425 € |
Montant théorique |
3. Spread de 1,2 % appliqué par la banque |
0,95 × (1 + 0,012) = 0,9614 |
1 500 × 0,9614 = 1 442,10 € |
+17,10 € |
4. Commission fixe |
10 € |
— |
+10 € |
Total payé |
— |
— |
1 452,10 € |
Dans cet exemple, le taux d’intérêt attractif du crédit en francs est compensé par un coût de change de 27,10 € (1,9 %) sur une seule mensualité ; à l’année, cela dépasse 325 €. Sur la durée totale du prêt immobilier, la facture grimpe à plusieurs milliers d’euros si le spread reste inchangé, d’où l’importance de négocier les marges ou d’envisager des solutions de change en ligne plus compétitives.
Bon à savoir : vérifiez toujours la clause « taux de conversion » dans vos contrats ; certaines banques acceptent un spread plafonné ou le recours à un prestataire externe. Un avenant peut suffire à réduire durablement votre coût en devises tout en sécurisant le risque de change.
Risques de change et impact sur le remboursement
Effet d’une hausse du franc suisse sur les mensualités
Quand un emprunteur français rembourse un prêt libellé en francs suisses (CHF) avec des revenus en euros, chaque variation du taux de change transforme le coût réel du crédit :
Situation | Taux EUR/CHF | Échéance contractuelle | Montant dû en euros |
---|---|---|---|
À la signature |
1 € = 1,20 CHF |
CHF 1 000 |
833 € |
Après appréciation du CHF |
1 € = 1,00 CHF |
CHF 1 000 |
1 000 € |
Variation subie |
— |
— |
+167 € / mois |
En un seul mouvement de marché, la mensualité grimpe de 20 %. Le même phénomène frappe le capital restant dû : si CHF 150'000 restaient à rembourser, leur contre-valeur passe de 125 000 € à 150 000 €. Autrement dit, le risque porte autant sur la charge mensuelle que sur le solde du prêt immobilier inscrit dans le contrat.
Bon à savoir : plus la durée de vie du crédit est longue et plus l’emprunteur rembourse en euros, plus son exposition au risque de change grandit.
Obligations d’information des banques
Devoir de conseil, MIF 2 et documents d’information clés
Avant même qu’un emprunteur signe un contrat de crédit en devises, la banque est tenue, en France comme en Suisse, de vérifier « l’adéquation » (suitability) du produit, une exigence renforcée depuis MIF 2. Concrètement, l’établissement doit :
-
Évaluer le profil de risque du client (revenus en euros, tolérance aux variations de taux de change, horizon d’endettement, patrimoine).
-
Fournir un document d’information clé (Fiche d’Information Standardisée Européenne ou Prospectus simplifié) détaillant le coût total du prêt, le spread, les commissions et l’indexation au franc suisse.
-
Simuler plusieurs scénarios défavorables : hausse de 20 % du franc suisse, baisse de 10 % des revenus, évolution d’un taux variable. Ces projections doivent chiffrer l’impact sur les mensualités et le capital restant dû.
-
Informer sur les solutions de couverture (caps, forwards, assurance change) afin que le client puisse décider en connaissance de cause.
Le manquement au devoir de conseil ouvre la voie à des recours pour déficit d’information ; la jurisprudence française (Cour de cassation) comme helvétique (Tribunal fédéral) reconnaît la responsabilité de la banque lorsque le risque de change n’a pas été expliqué de façon claire et personnalisée.
Bon à savoir : une information générique, glissée dans une annexe standard, ne suffit plus ; elle doit être adaptée à la situation réelle de l’emprunteur et validée par un accusé de réception.
Clauses sensibles à vérifier dans le contrat
Un contrat de prêt en devises comporte souvent des clauses techniques qui, mal comprises, peuvent transformer un avantage en risque :
Clause | Fonction | Vigilance |
---|---|---|
Clause de variation du spread |
Permet à la banque d’ajuster la marge de change en fonction des conditions de marché. |
Exiger un plafond (ex. : +0,3 pt max/an) ou un spread fixe. |
Seuil de déclenchement d’appel de marge (margin call) |
Implique un dépôt en espèces ou titres si le taux de change dépasse un seuil. |
Faire préciser le pourcentage et la fréquence des appels ; négocier un différé. |
Option de conversion forcée |
Autorise la banque à convertir le prêt en euros si le CHF s’apprécie trop vite. |
Demander que la décision reste au choix de l’emprunteur. |
Indexation à un indice monétaire (SARON, SOFR) |
Fait varier le taux d’intérêt selon le marché monétaire. |
Prévoir un plancher négatif et un plafond pour limiter la volatilité. |
Clause de remboursement anticipé |
Fixe pénalités en cas de rachat ou restructuration. |
Négocier des pénalités réduites (< 1 % du capital) ou nulles après 5 ans. |
Réflexe : avant de signer, faites relire le contrat par un conseiller indépendant ou une association de consommateurs. Les frontaliers suisses disposent notamment de la FRC et du Groupement transfrontalier européen, qui publient des guides dédiés aux prêts en francs.
Choisir un prêt en devise peut sembler alléchant grâce à des taux souvent plus bas qu’en euros, mais l’expérience des frontaliers suisses montre qu’il n’existe pas de rendement sans risque. Fluctuations du franc suisse (CHF), clauses parfois complexes glissées dans le contrat, coûts cachés de change : autant de pièges qui peuvent transformer un avantage financier en surcharge budgétaire.
En comprenant précisément comment se forment les frais (spread, commissions, produits d’assurance), en vérifiant vos obligations et celles de la banque, puis en agissant dans les délais de prescription, vous reprenez le contrôle de votre crédit immobilier ou corporate. Comparez les plateformes de change, négociez un spread plafonné, demandez des simulations pessimistes et faites relire vos documents ; ces réflexes protègent votre portefeuille, qu’il soit en francs ou en euros.
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